Procházka v krvavé Paříži

"Il y a une femme qui a été arrêtée en 1898, place Saint-Germain des Prés. Et elle a été condamnée à huit jours de prison ferme. Vous savez pourquoi? Elle faisait du vélo en robe. Huit jours de prison ferme!" Serge Garde, journaliste, grand reporter à L'Humanité.

"Je vous convie à une ballade dans le Paris du sang, des larmes et, souvent, du sourire. Si vous le voulez, nous allons aller vers la Place de Grève, enfin je veux dire, l'actuelle Place de l'Hôtel de Ville. C'est ici, en 1792, qu'a eu lieu la première exécution capitale avec la guillotine. Et ça a provoqué un scandale dans la population parce qu’une exécution capitale c'était le grand spectacle. On venait avec sa femme, les enfants, pour assister à la mise à mort des condamnés. Et, avec la guillotine, la foule a été terriblement déçue. Ça allait trop vite."

"Assez tôt, les médias, notamment les journaux à grand tirage se sont rendu compte qu'en mettant des faits divers à la une, ils pouvaient augmenter considérablement leur tirage. Et le moment charnière pour ça, ça a été en 1869, quand Le Petit Journal, qui a été le premier quotidien à un sou a misé sur l'affaire Troppmann, c'est-à-dire le crime de Pantin, quand on a trouvé dans le champ du père Langlois, à Pantin, le cadavre d'une femme et de cinq enfants."

"Le Petit Journal ! Les faits divers illustrés !"

"Les lecteurs du Petit Journal avaient chaque jour tous les détails les plus croustillants de cette affaire criminelle. Et les tirages du Petit Journal ont dépassé le million d'exemplaires."

"Naïveté"

"Un jeune homme pénètre en coup de vent chez la concierge du numéro 3 de la rue Ordener. "Votre voisin m'envoie vous demander mille deux cent cinquante francs!" avec une candeur extraordinaire, la concierge les remet. C'était un escroc."

"Les deux peaux-rouges"

"Deux grands chefs peaux-Rouges étaient descendus dans un hôtel de Washington. Ignorant tout de l'éclairage moderne, ils soufflèrent le gaz au lieu de fermer le robinet! On les a trouvés le lendemain asphyxiés."

"Alors, nous nous trouvons juste devant l'Hôtel-Dieu où s'est déroulé un des faits divers les plus incroyables de l'histoire parisienne. Devant l'échoppe du barbier, un chien se met à hurler à la mort. Et il va rester trois jours et trois nuits durant. Le maître du chien, qui était un estudiant, avait été tué par le barbier. Et on découvre que ce n'est pas la première disparition, que le barbier avait la sale habitude de trucider tous ses clients qui semblaient seuls, inconnus du quartier. Et on découvre qu'il y avait une trappe avec une espèce de toboggan entre l'échoppe du barbier et la cave du commerçant voisin qui était un maître pâtissier. Donc, le barbier trucidait son client, faisait basculer le corps dans la cave du maître pâtissier voisin, lequel s'occupait des corps, récupérait la chair pour faire des pâtés à la viande. Et les pâtés à la viande étaient les meilleurs de Paris, on venait de très très loin pour les acheter."

"C'est vrai que le fait divers touche à des choses extrêmement troubles, profondes, puisqu’il est question de vie, il est question de mort, il est question de sexe, c'est-à-dire les grandes questions existentielles. On se reçoit ça au creux de l'estomac. Et c'est pour ça que c'est si fort, et c'est aussi pour ça que le fait divers est dangereux parce que, de ce fait, il est manipulable. Si on remonte au premier tour de l'élection présidentielle, la dernière, pour expliquer la défaite du candidat socialiste, Lionel Jospin, certains ont avancé l'idée que la presse et un média comme TF1 avaient beaucoup fait sur la question de l'insécurité, avaient manipulé l'agression d'un vieil homme du côté d'Orléans. Bon! c'est une explication qui a le mérite —voilà— de pas en chercher d'autre —quoi."

"Tenez! là, on est en face de la librairie Gibert. Dans les années 30, vous avez un médecin qui est arrêté dans la librairie Gibert parce qu'il a volé un traité de médecine. Et au commissariat, il décline son identité, il dit "Vous savez, j'ai été hospitalisé, je souffre de cleptomanie". Et donc, le commissaire, qui rédige un papier pour le remettre en liberté en disant: "ce monsieur ne présente aucun danger pour la société". Voilà. Il s'agissait du docteur Petiot. Le docteur Petiot qui, en 46, va être guillotiné après qu'on lui ait reproché —on sait pas trop— peut-être vingt-sept meurtres ou soixante-trois. Alors quand je passe devant Gibert Jeune, eh bien, je pense à ça. Maintenant, c'est mon Paris à moi, ça."

"C'est vrai que la vie est dangereuse! Mais où se situent les dangers? Ben! vous connaissez sans doute l'endroit le plus dangereux que vous fréquentez tous les jours. C'est votre cuisine. C'est là où il y a les accidents domestiques les plus cruels. Bon! Si, par malheur, vous entrez dans les statistiques des personnes qui allaient être assassinées... Vous n'allez pas être assassiné par un étranger qui vous attend dans une rue sombre au coin de la rue. Vous allez être assassiné par la personne qui vous est la plus proche. Les crimes passionnels, statistiquement, c'est les plus nombreux."

Le fait divers est manipulable, lire l'interview complète avec Serge Garde sur www.webzinemaker.com

 

Serge Garde, coauteur du Guide du Paris des faits divers (édition Le Cherche-Midi), nous parle de quelques crimes célèbres et de l'histoire de la presse.

Režie & reportáž: Léo Pajon
Nahrhávka : novembre 2004
mixování : Irvic d'Olivier.
Cvičení se nahrávkou ArteRadio.com
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CRIMES ET DÉLITS

un criminel, un délinquant – un malfaiteur — un vol (voler) – un voleur, un cambrioleur : il vole (il cambriole) les appartements, les maisons — un pickpocket — un bandit, un gangster : il s’organise, il a des complices, il n’hésite pas à tuer (commettre un meurtre) pour dévaliser la banque ou pour éliminer ceux qui le dérangent. Dans ce cas, il peut même commander les services d’un tueur professionnel, un tueur à gages (l’argent que celui-ci reçoit pour son travail) et organiser un assassinat. « La victime a été assassinée pendant son sommeil. L’assassin était entré dans la chambre par la fenêtre ouverte. » L'assassin élimine sa victime de diverses manières: il peut étragler, empoisonne, donner des coups de couteau, tirer des coups de revolver, etc.

En écoutant la visite guidée de Serge Garde, essayez de répondre aux questions suivantes :

1. Que s’est-il passé en 1898, place Saint-Germain des prés ?
2. Comment faisait-elle du vélo ?
3. Que fait la personne qui raconte ?
4. Comment s’appelle de nos jours l’ancienne place de Grève ?
5. Que faisait-on sur cette place ?
6. Quand a-t-on utilisé la Guillotine pour la première fois ?
7. Pourquoi le public a-t-il été déçu ?
8. « Le Petit Journal a été le premier quotidien à un sou ». Qu’est-ce qui faisait le succès de ce journal. À combien d’exemplaires se vendait-il ?
9. Dans le quartier de l’hôtel Dieu. Que s’est-il passé dans l’échoppe du barbier ?
10. Pourquoi le chien a-t-il aboyé ?
11. Le barbier avait-il des complices ?
12. Quelle était la spécialité du Maître Pâtissier dont la boutique était voisine de celle du barbier ?
13. Le docteur Petiot a été surpris volant des livres à la librairie Gibert. Pour quelle raison la police l’a-t-elle relâché après l’avoir interrogé ?
14. Dans quelle autre affaire ce docteur a-t-il été plus tard impliqué ?
15. La vie est dangereuse, mais quel est l’endroit le plus dangereux ?
16. Quels sont, statistiquement, les crimes les plus nombreux ?